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    « Quand Spinoza dit ainsi : « L’étonnant, c’est le corps… nous ne savons pas encore ce que peut un corps… », il ne veut pas faire du corps un modèle, et de l’âme, une simple dépendance du corps. Il y a l’âme et le corps, et tous deux expriment une seule et même chose :un attribut du corps est aussi un exprimé de l’âme (par exemple la vitesse). De même que vous ne savez pas ce que peut un corps, de même qu’il y a beaucoup de choses dans le corps qui dépassent votre conscience. Voilà la question :qu’est-ce que peut un corps ? De quels affects êtes-vous capables ? Expérimentez, mais il faut beaucoup de prudence pour expérimenter. Nous vivons dans un monde plutôt désagréable, où non seulement les gens, mais les pouvoirs établis on intérêt à nous communiquer des affects tristes. La tristesse, les affects tristes sont tous ceux qui diminuent notre puissance d’agir. Les pouvoirs établis ont besoin de nos tristesses pour faire de nous des esclaves. Le tyran, le prêtre, les preneurs d’âmes, ont besoin de nous persuader que la vie est dure et lourde. Les pouvoirs ont moins besoin de nous réprimer que nous angoisser, ou, comme le dit Virilio, d’administrer et d’organiser nos petites terreurs intimes. La longue plainte universelle sur la vie :le manque-à-être qu’est la vie… On a beau dire « dansons », on n’est pas bien gai. On a beau dire « quel malheur la mort », il aurait fallu vivre pour avoir quelque chose à perdre. Les malades, de l’âme autant que du corps, ne nous lâcherons pas, vampires, tant qu’ils ne nous auront pas communiqué leur névrose et leur angoisse, leur castration bien-aimée, le ressentiment contre la vie, l’immonde contagion. Tout est affaire de sang. Ce n’est pas facile d’être un hommes libre :fuir la peste, organiser les rencontres, augmenter la puissance d’agir, s’affecter de joie, multiplier les affects qui expriment ou enveloppent un maximum d’affirmation. Faire du corps une puissance qui ne se réduit pas à l’organisme, faire de la pensée une puissance qui ne se réduit pas à la conscience. »

     


  • L'oeuvre d'art ne relève pas de la catégorie de l'utile. On doit se demander non à quoi elle peut nous servir mais de quel automatisme de pensée elle nous délivre. 


  • Pour l'avoir sous les yeux...


  • Une chose en tout cas est certaine : c’est que l’homme n’est pas le plus vieux problème ni le plus constant qui se soit posé au savoir humain. En prenant une chronologie relativement courte et un découpage géographique restreint - la culture européenne depuis le XVI° siècle - on peut être sûr que l’homme y est une invention récente. Ce n’est pas autour de lui et de ses secrets que, longtemps, obscurément, le savoir a rôdé. En fait, parmi toutes les mutations qui ont affecté le savoir des choses et de leur ordre, le savoir des identités, des différences, des caractères, des équivalences, des mots, - bref au milieu de tous les épisodes de cette profonde histoire du Même - un seul, celui qui a commencé il y a un siècle et demi et qui peut-être est en train de se clore, a laissé apparaître la figure de l’homme. Et ce n’était point là la libération d’une vieille inquiétude, passage à la conscience lumineuse d’un souci millénaire, accès à l’objectivité de ce qui longtemps était resté pris dans des croyances ou des philosophies : c’était l’effet d’un changement dans les disposition fondamentales du savoir. L’homme est une invention dont l’archéologie de notre pensée montre aisément la date récente. Et peut-être la fin prochaine.
    Si ces dispositions venaient à disparaître comme elles sont apparues, par quelque événement dont nous pouvons tout au plus pressentir la possibilité, mais dont nous ne connaissons pour l’instant encore ni la forme ni la promesse, elles basculaient, comme le fit au tournant du XVIII° siècle le sol de la pensée classique, - alors on peut bien parier que l’homme s’effacerait, comme à la limite de la mer un visage de sable.

    Michel Foucault, Les mots et les choses.


  • exposition 2010


  • Exposition 2010

    Photo SJ





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